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Contes & Légendes

Littérature Fantastique
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Smaug et Bilbo
 
Extrait de Bilbo le hobbit de J.R.R. Tolkien
La conversation entre Smaug et Bilbo:
 

Il continua d'avancer toujours, jusqu'à ce que tout signe de la porte eût disparu derrière lui. Il était entièrement seul. Bientôt il éprouva une sensation de chaleur.
"Est-ce une sorte de lumière rouge qu'il me semble voir approcher juste devant moi, là-bas ?" pensa-t-il.
C'en était une. Elle augmenta au fur et à mesure qu'il avançait, et il n'y eut bientôt plus aucun doute à ce sujet. C'était une lumière rouge dont l'intensité augmentait régulièrement. Et il faisait indubitablement chaud à présent dans le tunnel. Des traînées de vapeur flottaient dans l'air et passaient autour de lui, et il se mit à transpirer. Un son commença aussi à vrombir à ses oreilles, une sorte de bouillonnement semblable au bruit d'une grande marmite sur le feu, mêlé d'un grondement qui faisait penser au ronronnement de quelque gigantesque matou. En croissant, ce son révéla l'indubitable gargouillement d'un énorme animal, ronflant dans son sommeil, là en bas au milieu de la lueur rouge que le hobbit avait devant lui.
A ce point, Bilbo s'arrêta. Poursuivre son chemin fut l'acte le courageux qu'il devait jamais oser. Les événements formidables qui se produisaient ensuite n'étaient rien en comparaison. Il mena le vrai combat seul dans le tunnel, avant d'avoir vu le vaste danger qui l'attendait. Quoiqu'il en soit, après une courte halte, il reprit sa progression ; et vous pouvez vous le représenter arrivant à l'extrémité du tunnel, c'est à dire à une ouverture de la même dimension et de la même forme que la porte d'en haut. La petite tête du hobbit jeta un regard furtif au travers. Devant lui s'étend la grande cave la plus profonde, le cul-de-basse-fosse, des anciens nains, au coeur même de la Montagne. Il y règne une obscurité presque totale, de sorte que l'on n'en peut deviner que de façon imprécise toute l'étendue, mais une grande lueur s'élève de la partie la plus proche du sol rocheux. Le rougeoiement de Smaug !
Il était étendu là, le grand dragon rouge et doré, profondément endormi ; un bruit monotone venait des mâchoires et des naseaux, ainsi que des rubans de fumée, mais dans son sommeil ses feux étaient bas. Sous lui, sous tous ses membres et son immense queue et de tous côtés autours de lui, s'étendant partout sur le sol invisible, étaient entassée une masse de choses précieuses, or travaillé et or brut, pierres et joyaux, et argent, teinté de pourpre dans la lumière rougeoyante.
Smaug était allongé, les ailes repliés, comme une immense chauve-souris, à demi tourné sur le côté, de sorte que le hobbit pouvait voir son long ventre pâle, qu'un long repos sur sa couche somptueuse avait tout incrusté de gemmes et de parcelles d'or. Derrière lui, là où les murs étaient le plus proches, on apercevait vaguement des cottes de mailles, des heaumes et des haches, des épées et des lances suspendus ; et là étaient alignés de grandes jarres et des récipients remplis de richesses incalculables.
Dire que Bilbo en eut la souffle coupé ne signifie rien. Il n'est plus de mots pour exprimer son éblouissement depuis que les Hommes ont changé le langage qu'ils avaient appris des elfes à l'époque où le monde entier était merveilleux. Bilbo avait déjà entendu parler dans les récits et les chants des réserves des dragons, mais il n'aurait jamais imaginé la splendeur et l'éclat d'un pareil trésor. Il eut le coeur empli de ravissement ainsi que du désir des nains ; et il contemplait sans mouvement, oubliant presque le terrible gardien, l'or sans prix ni mesure.
Il le contempla pendant un temps qui semblait un siècle ; mais enfin, attiré presque malgré lui, il se glissa hors de l'ombre de la porte et franchit l'espace qui le séparait du bord le plus proche des monceaux du trésor. Au-dessus de lui était étendu le dragon, affreuse menace, même dans son sommeil. Bilbo saisit une coupe à deux anses, aussi lourde qu'il pouvait la porter, et leva un regard craintif. Smaug remua une aile et ouvrit une griffe ; son ronflement changea de ton. Bilbo s'enfuit. Mais le dragon ne se réveilla pas -pas encore- et il passa à de nouveaux rêves d'avidité et de violence, couché là dans sa salle cambriolée, tandis que le petit hobbit remontait laborieusement le long tunnel. Il avait le coeur battant et ses jambes tremblaient plus fiévreusement qu'à sa descente ; mais il étreignait toujours la coupe, et sa principale pensée était : " Je l'ai fait ! Ceci le leur prouvera. " Davantage l'air d'un épicier que d'un cambrioleur ", vraiment ! Eh bien, on n'entendra plus de choses de ce genre. "

 
 

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